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Les Deboires de Dieudonne
Les Deboires de Dieudonne
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Les Deboires de Dieudonne

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About this ebook

Les d boires de Dieudonn est n de l un des grands dilemmes moraux de l Afrique, o la responsabilit personnelle est troitement li e la catharsis sociale provoqu e par les ambitions de domination et des cercles toujours s amenuisant. Le lecteur rencontre Dieudonn la fin de son service de domestique chez les Toubaaby, un couple d expatri s condescendants. En compagnie de diff rents types de personnages bons vivants et de musique lancinante au Grand Canari Bar, Dieudonn raconte sa vie. En pluchant ses vicissitudes couche apr s couche, il d peint la r silience quotidienne de l Africain sur un continent pris dans la toile des forces pr datrices. Pourtant, cet chec enchanteur c l bre aussi la capacit infinie de l Africain trouver le bonheur et d fier la victimisation. Francis B. Nyamnjoh est actuellement professeur d anthropologie sociale l Universit du Cap en Afrique du Sud.
LanguageEnglish
PublisherLangaa RPCIG
Release dateMar 7, 2023
ISBN9789956553259
Les Deboires de Dieudonne
Author

F. Ndi

Bill F Ndi, traducteur-traductologue, poète, dramaturge, conteur, critique littéraire, et enseignant-chercheur est né à Bamunka-Ndop, au Southern Cameroons. Docteur ès Langues, Littératures et Civilisations Contemporaines : Traduction à l'UCP, il a enseigné dans plusieurs universités (en Australie, en France...) et présentement, il est professeur des universités américaines à Tuskegee University dans l'Alabama. Il compte nombreuses publications (en français et en anglais) en poésie, pièces de théâtre, traduction ainsi que sur le Quakerisme originel.

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    Les Deboires de Dieudonne - F. Ndi

    Le souffle du populaire

    Une introduction au roman

    Les déboires de Dieudonné

    Aghi Bahi

    Université Félix Houphouët-Boigny

    Abidjan -Côte d’Ivoire

    C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris que Francis Nyamnjoh, l’auteur de ce beau roman, et Bill F. Ndi, le traducteur émérite, souhaitaient tous deux que je rédige une introduction des déboires de Dieudonné¹. Comment alors présenter F. Nyamnjoh ? faire une présentation de Nyamnjoh, c’est courir le risque d’en dire trop ou pas assez. Trop, car le piège est grand soit de sous-estimer cette grande figure intellectuelle africaine contemporaine, soit au contraire de surfaire le personnage, en somme d’en proposer un grossier pastiche. Lui-même serait le premier à contester certains dithyrambes que le rédacteur de cette introduction est tenté de déclamer. Pas assez, car Nyamnjoh est et reste insaisissable, difficilement encastrable dans des catégories étriquées. Le choix fait ici est de se résoudre à l’incomplétude d’un portrait caricatural.

    L’auteur de ce livre peut, de prime abord être présenté comme le professeur d’anthropologie sociale à l’université du Cap, le chercheur, l’enseignant universitaire, d’une fertilité prodigieuse et d’une productivité remarquable. Il développe résolument une pensée authentique, une conceptualisation audacieuse², dans une démarche prudente, plurielle, relativiste. Plusieurs fois récompensé depuis une vingtaine d’années, la notoriété et la reconnaissance dont il jouit dans le champ universitaire est avérée. Mais cette ébauche semble déjà esquisser le portrait d’un savant austère, aux antipodes de ce qu’est réellement cet incontestable maître. Il ne validerait probablement pas ce dernier qualificatif, et pourtant... Ce qui est peut-être moins connu de l’homme, c’est sa riche production littéraire fictionnelle. Il est grand temps de faire découvrir, de présenter l’œuvre romanesque de cet intellectuel africain à l’aire intellectuelle et culturelle francophone de notre Afrique postcoloniale. Les déboires de Dieudonné est de toute évidence un bon début pour présenter cet auteur prolifique, cette grande figure des humanités africaines, aux lecteurs francophones.

    ¹ Je voudrais ici leur témoigner toute ma reconnaissance et profiter de cette note pour exprimer ma plus sincère gratitude aux collègues qui ont bien voulu relire, commenter et enrichir ce petit texte introductif : Dr Edith Félicité Koumtoudji, Dr Hassan Mbiydzenyuy Yosimbom et Léon Bomela Loombe.

    Roman satirique, allégorique, et un tantinet philosophique, Les déboires de Dieudonné dépeint des apories et situations graves des États postcoloniaux d’Afrique subsaharienne, aisément reconnaissables. Le récit se déploie dans une formidable mise en abyme qui tient le lecteur en haleine. Il nous emmène dans un monde du populaire, du petit peuple, là où se jouent des drames sociaux devenus, hélas, ordinaires. Nyamnjoh nous conduit dans les souterrains d’une ville d’Afrique qui ressemble tellement aux quartiers ténébreux des grandes métropoles du continent « noir ». Il nous plonge dans l’Afrique postcoloniale et ses apories. Il nous guide à travers le dédale de ces lieux proscrits de la ville interdite et cruelle où la bien-pensance des sciences sociales normales s’aventure rarement. Et, dans cet univers populaire d’un cru tranchant, d’une rare cruauté, où grouille la vie des sans-voix, le formidable conteur nous restitue les sujets postcoloniaux dans leurs contradictions. Bref, des quartiers oubliés aux ruelles sordides, où la saleté, les détritus, et la puanteur, font partie du quotidien, ce avec quoi l’on vit en dépit de tous les désagréments. « On va faire comment ? » … Le lecteur s’imagine aisément des cahutes comme il y en a des centaines de milliers, des maquis comme il y en a tant, des déchets humains, cette populace que l’on ne veut pas voir, et des personnages truculents dans des lieux picaresques … La précision des descriptions confère une dimension éminemment pittoresque aux décors et à la narration, bref aux genres de situations et de scènes dont la trame de la vie quotidienne ordinaire africaine est tissée. Le maillage du récit en traduisant l’intrication des niveaux de tension global-local, nord-sud, urbain-rural, riches-pauvres, quartiers des riches vs quartiers des pauvres, … compose le puissant miroir d’un monde où les animaux ont une valeur hautement symbolique, avec des chiens élevés aux rangs de personnes humaines, où des hommes finalement sont aussi bas que des cafards et des rats …

    ² Voir par exemple Francis Nyamnjoh, Drinking from the Cosmic Gourd. How Amos Tutuola Can Change Our Minds, Langaa, 2017.

    Dans ce monde du populaire, il y a bien évidemment la musique populaire de toutes sortes de tout temps et de tous lieux d’Afrique. La musique populaire, notamment le bi-kutsi, les paroles qu’il porte, le tremblement de sa danse aux limites de la transe, constitue plus qu’un simple accompagnement, parachevant le tableau de ces circuits et maquis ainsi que du message même de ce récit attachant, de cette manière de conte. Dans l’état de désarroi et de mélancolie, les paroles des musiques écoutées sont comprises et il faut gager, comme dit le proverbe, que « c’est quand on est malheureux que l’on comprend les paroles de la musique ». Car, à l’instar du conte, l’histoire racontée recèle une leçon qu’il appartient au lecteur de découvrir.

    Tout ou presque est empreint de symbolisme. Et les noms des lieux et les noms des personnages sont lourds de sousentendus propres aux bonnes satires. Comme les quartiers de la ville, les personnages sont des miroirs ou des formes dans les quelles peuvent être reconnus des caractères ou des figures somme toute familières. Ils peuvent sembler familiers à des gens qui ont vécu en ville ou côtoyé ces quartiers. Les noms des personnages hautement évocateurs sont en même temps un florilège croustillant. L’architecture des noms communs, comme par exemple « Muzunguland » ou « Mimboland », et des noms propres – tels « Toubaaby », « Chopngomna », « Bonblanc Mukala Ni-Ni », le Président « Longstay », ou encore Monsieur « Nupieds » – traduit toute la vivacité d’esprit et tout l’art humoristique de l’auteur. Cela justifie le travail souterrain mais indispensable du traducteur. Au-delà, le personnage de Dieudonné illustre bien la notion de multiplicité des personnes que l’on retrouve souvent sous nos latitudes. Les personnages sont éminemment composites. Le personnage de Dieudonné n’est (d’ailleurs) pas le seul protagoniste de ce roman à connaître des revers ou des déceptions. D’autres, notamment parmi les figures du petit peuple connaissent un sort similaire. Peut-être est-ce pour cette raison qu’ils se reconnaissent dans ses paroles et qu’ils lui témoignent ce grand respect ? Le personnage de Dieudonné n’est pas enfermé dans une définition restant figée, voire congelée dans une réalité qui le désactive. Bien au contraire, le lecteur se rendra compte que Dieudonné, ce réservoir intarissable de récits, bouge constamment – physiquement, intellectuellement, culturellement – incarnant ainsi la notion d’« Africain aux pieds agiles³ », qui danse, vote, émigre… bref, s’exprime avec ou grâce à ses pieds.

    La parole est aussi donnée à ceux dont les voix sont à peine entendues, ceux du petit peuple. Ces soutiers de l’économie, ces petits, qui dans un régime diurne ne sont rien, deviennent quelqu’un là, dans les circuits ou maquis, en régime nocturne, là ils sont impatronisés… ils sont grands seigneurs, ils ont de la voix. Là précisément et subtilement sont traitées des notions telles que la rencontre, la mobilité, l’appartenance, la citoyenneté, la convivialité, et l’incomplétude⁴, c’est-à-dire certains de ses intérêts de recherche. En donnant la parole à ces petits, c’est au cœur du texte/discours caché⁵ qu’opère la résistance. L’humour, la dérision, font partie de ces moyens que ces gens de peu ont, leur « quant-à-soi », qui les pousse à la prudence quant à l’ordre imposé par le pouvoir politique dominant. C’est là un coup de maître.

    ³ J’essaie de traduire l’expression « nimble-footed African » imaginée et mise en avant par F. Nyamnjoh…

    ⁴ Pour ne prendre que quelques exemples, on peut citer : - Insiders and Outsiders. Citizenship and Xenophobia in Contemporary Southern Africa, Codesria & Zed-Book, 2006 ; - C’est l’homme qui fait l’homme. Cul-de-sac Ubuntuism in Côte d’Ivoire, Langaa, 2015 ; - Incompleteness. Donald Trump, Populism and Citizenship, Langaa, 2022.

    Dans ce roman riche et d’une subtile complexité, Nyamnjoh organise une véritable fête du langage. Il joue avec les mots comme il joue avec les langues, passant d’un niveau de langue à un autre en fonction des personnages dépeints. Dans le texte original de ce roman écrit principalement en anglais, tout est mis en œuvre pour que les personnages s’expriment comme ils s’expriment naturellement. Ils jouent ainsi allègrement avec les niveaux de langue, utilisant du français, du pidgin, du camfranglais et des expressions imagées qui semblent tout droit tirées des langues africaines. Des expressions de divers français populaires, du Cameroun, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, bref des endroits que l’auteur a visités, où il a vécu… le vécu, cette notion est centrale pour saisir l’œuvre de Nyamnjoh, les personnages principaux parlent de leur vécu. Là, c’est l’anthropologue qui habite le narrateur de ce roman attachant. Le langage imagé, les images, qui émaillent le texte, l’utilisation de proverbes, d’expressions directement prises dans des langues ou parlers africains et souvent transposés, originaux en soi, produisent un délicieux effet. La traduction a souvent été obligée de respecter de telles expressions et métaphores qui semblent tirées de langues africaines⁶. Le traducteur est parfois obligé de procéder à des jeux d’inversion afin de retrouver et de rétablir le jeu des langues française et anglaise, opérés par l’auteur et afin de restituer le « climat » bilingue voire plurilingue voulu par l’auteur. Il faut apprécier à sa juste valeur la traduction de B. F. Ndi dont les notes sont éclairantes tant Nyamnjoh jongle avec toutes ces langues d’Europe et d’Afrique, tous ces parlers, en reconstituant le bouillonnement de la vie. La langue est sans conteste un marqueur social et identitaire des personnages et le mélange des mots est à l’image du mélange des cultures qui opère dans la société postcoloniale.

    ⁵ Ici, une allusion est faite aux textes cachés de l’infra-politique des groupes subalternes de James C. Scott, Domination and the Arts of Resistance. Hidden transcripts, Yale University Press, 1990.

    ⁶ Je pense par exemple à « dormir comme un morceau de bois », comme on le dit chez moi…

    Le romancier nous fait accéder à toute la vitalité du social. Il parvient à capter, à capturer, à restituer et à resituer, ce que la froideur du spécialiste en sciences sociales réussit difficilement, la labilité du social, le mélange complexe de psychologie humaine et de logique sociale inscrites dans toute situation humaine. Les curiosités culturelles lisibles dans les comportements individuels, les manières d’être culturelles, des grands, des tenants ce monde nouveau apporté par la modernisation. De l’autre côté, dans les bas-fonds de la ville, les petits de ce monde, se retrouvent dans cet espace liminal qu’est le maquis (ou peut-être le « circuit »), lieu de convivialité, du vivre-ensemble en action, et de performance d’une utopie (du) communautaire dont ils entretiennent le rêve.

    Rien n’échappe à la sagacité du narrateur, ni les détails insolites, ni les tares, ni les manies. L’œil du romancier, doublé de celui de l’anthropologue, saisit le ridicule de la suffisance des personnages qui se prennent très au sérieux et la sagesse des personnages qui, conscients de leurs insuffisances, ne se prennent pas au sérieux. Cette émicité, ces descriptions de « l’intérieur », en des termes faisant sens pour les acteurs des groupes sociaux dépeints, rendent le roman riche et captivant. Mais le maître mot est peut-être celui de représentation : même si l’histoire racontée est montée de toutes pièces, les faits sont véridiques et ressemblent sinon à la réalité, du moins à une réalité familière… Sous une naïveté apparente, se lisent les logiques sociales et politiques des États africains postcoloniaux. Car le narrateur ne peut se départir de l’auteur qui lui n’est pas dupe mais bien averti des intrigues africaines sur lesquelles il a beaucoup écrit.

    L’œuvre romanesque chatouille l’imagination des lecteurs et sert de divertissement. À l’instar du conte, qui sait où loge sa valeur instructive ? Pour ceux qui sont expérimentés, « pour les mentons velus et les talons rugueux [le conte] est une véritable révélation⁷ », il enseigne toujours quelque chose. Mais que l’on ne s’y méprenne pas. Sous cette fantaisie se cache un discours d’une profondeur insoupçonnée. Pour ceux qui ont de la sagesse ou du bon sens, et veulent aller au-delà de l’apparente légèreté de la narration, Les déboires de Dieudonné est sans conteste un roman à teneur philosophique et d’une éminente valeur anthropologique. Cette œuvre peut alors apparaître comme un éloge du populaire. Au fil du récit, apparaissent effectivement des vignettes et représentations du monde populaire. Pour les lecteurs avisés, ceux qui sont déjà initiés aux sciences du social, rompus ou corrompus par celles-ci, l’intelligence des processus sociaux ne peut se contenter de la sécheresse des connaissances livresques. L’écoute de l’autre est alors d’un apport majeur. Elle est à la base d’un dialogue véritable, celui qui suppose la reconnaissance de l’Autre tant dans son identité que dans son altérité. Nyamnjoh nous donne alors une magistrale leçon d’écoute de l’Autre. En effet, qui mieux que le romancier sait faire preuve d’empathie ? Qui est vraiment capable de se mettre à la place des autres, de comprendre leurs émotions, de les traduire et de les partager avec le lecteur ?

    Le tout compose un formidable récit relaté par un redoutable conteur. A l’image des maîtres africains de la parole, des maîtres conteurs et des grands pédagogues, Nyamnjoh sait manier l’humour, approcher les phénomènes avec humour, sans faux-semblant et prétention faisant ainsi sienne l’aphorisme selon lequel : « Toujours trop sérieux n’est pas très sérieux⁸ ». L’humour, le rire même, n’est jamais très loin dans cette histoire même dans des situations foncièrement tristes et malheureuses. Il faut en effet rire parce que le rire est sinon un remède du moins une catharsis. Et dans ce roman, le malheur et l’humour se côtoient fréquemment. Si le malheur est l’école de la sagesse, alors Dieudonné est à la bonne académie… Le narrateur et les personnages de ce roman disent des vérités. « La vérité est comme une braise ardente, elle brûle qui ne l’a pas comprise. Pour pouvoir être saisie, elle doit être enveloppée dans quelque chose »⁹ …, empaquetée dans ce récit humoristique. Mais sous cet humour¹⁰, et au-delà du défoulement, des problèmes importants, des questions des plus sérieuses, sont abordé(e)s avec la profondeur de l’anthropologue. Car en son for intérieur Nyamnjoh, observateur vigilant et avisé du social, volontiers railleur, reste cet africain désabusé¹¹. Et pour ceux qui savent lire ou qui lisent attentivement, se profile la vie et la pratique du politique en Afrique. Le récit présente ainsi l’autre dimension de l’Afrique, de régime nocturne¹², celle des zones de possibilités, celle où l’impensable est possible par définition, où l’impossible et le possible sont confondus. Nous ne sommes pourtant pas dans le registre diégétique du fantastique mais bien dans celui d’une représentation du monde réel… celui de l’Afrique contemporaine, de cette Afrique qui nous est à la fois si familière et si étrange, et où d’ailleurs l’étrangeté, l’insolite ou l’inaccoutumé sont toujours là, rôdant au coin de la narration. Il parvient habilement à saisir la particularité de la vie quotidienne de l’homme ordinaire et à mettre en relation les vérités plurielles qui la composent. Ce roman traduit bien à la fois le rapport de l’auteur au monde social et son rapport à l’univers de la recherche scientifique. Dans l’un comme dans l’autre, comme dans sa vie courante ordinaire, il observe l’élitisme avec circonspection et ironie. Il faut reconnaître et saluer l’organicité de l’intellectuel qu’est Francis Nyamnjoh dans sa capacité à reconnaître et savoir exprimer les émotions, désirs, aspirations et motivations populaires.

    ⁷ Amadou Hampâté Bâ, Kaydara, Les Nouvelles éditions africaines, 1978, p. 17.

    ⁸ Cette maxime est du maître Tierno Bokar, enseignée à son disciple Amadou Hampâté Ba : « Il (Tierno Bokar) était lui-même d’une parfaite simplicité et étranger à toute pédanterie ou suffisance. Sachant considérer les choses de la vie avec humour, il aimait enseigner en amusant et nous répétait souvent, comme une mise en garde : ‘Toujours trop sérieux n’est pas très sérieux !’ ». Cf. - Amadou Hampâté Bâ, Vie et enseignement de Tierno Bokar. Le sage de Bandiagara, Paris, Seuil, Coll. Sagesses, 1980, p. 153.

    ⁹ Amadou Hampâté Bâ, Sur les traces d’Amkoullel l’enfant peul, Éd. Actes Sud, 1998, p. 74.

    ¹⁰ Peut-être faudrait-il mieux entendre ici le mot humour au sens anglais de humor…

    ¹¹ En référence à un des premiers romans philosophiques de l’auteur. Cf. – Francis Nyamnjoh, The Disillusionned African, Bamenda, Langaa, 2007 (1ère édition 1995).

    ¹² Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Bordas, 1969.

    Chapitre 1

    Le tonnerre grondait dans le ciel tandis qu’une rafale de vent balayait ce Dieudonné en difficulté. Il faisait nuit noire et il était aveuglé par l’alcool, mais les pas stupéfiants de l’homme étaient très sûrs. Son chemin était un réseau de confusion, mais il était devenu une taupe expérimentée. De nombreuses années d’utilisation du même sentier avaient imprégné ses jambes de leurs propres yeux, leur permettant de se frayer un chemin à travers les coins intrigants avec une facilité et une précision envoûtantes.

    Mais Dieudonné était ivre, très ivre en effet. Il titubait et tâtonnait sur le sentier sombre qui serpentait jusqu’à sa cabane au cœur du ghetto. Parce qu’il aimait son verre, Dieudonné rentrait rarement sobre, certainement pas quand il était financièrement viable, ou en compagnie des gens généreux, ou lorsqu’il avait un bouchon de bouteille de bière gagnant, ou quand il était autorisé à boire à crédit. Aujourd’hui, il était tout à fait inconscient du sang qui suintait de ses jambes minces, lourdement cicatrisées et instables. Il ne se souvenait même pas qu’il les avait blessées quand il est tombé sur l’un des bancs en bois rugueux du populaire Grand Canari Bar. Il était déjà ivre, et la personne qui l’avait fait tomber était restée impunie malgré le jet de l’huile sur le feu en l’appelant « vieil ivrogne*¹» et « espèce de sauvage* ». Non pas qu’il aurait fait beaucoup de toute façon, car il était vieux et fragile et se connaissait assez bien pour éviter de commencer une bagarre qu’il ne pouvait pas mener à bien. D’une part, il était beaucoup trop grand et maigre pour gagner un combat contre l’une des clientèles les plus robustes du Grand Canari, qui étaient principalement des zones forestières où le climat, couplé avec une bonne nourriture, a donné des types de corps plus herculéens. Il convoitait l’enthousiasme jeune et énergique avec lequel

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